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13 décembre 2008

Acte 1 - Scène 9

(Mélodie assise à sa table habituelle écrit fiévreusement. Vianney en face d'elle la regarde. Mireille  s'occupe de ses oreillers, elle les nettoie et pose des verres dessus. Miel et Prune s'embrassent, dansent, existent vivement physiquement parlant. Soudain, Mireille regarde vers le public et aperçois Blanche qui s'est levée du siège où elle s'était assise.)

(La lumière plateau baisse, la salle est éclairée, Blanche la scrute, donne l'impression de décortiquer chaque visage de spectateurs)

Blanche : Depuis tout à l'heure je vous observe et..; et je m'interroge. J'ai essayé de vous écrire, je... (elle déplie le morceau de papier qu'elle tient dans la main, elle fait comme si elle essayit de se relire, mais) Je n'arrive pas à prononcer à haute voix le contenu brouillon du papier, je... Voilà, je n'arrive jamais à prendre les spectateurs pour des spectateurs, les passants pour des passants, les serveurs pour des serveurs. Quand les acteurs se mettent à jouer, je ne peux m'empêcher de vous regarder, de vous trouver acteur au même titre qu'eux, je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'on paie pour aller au théatre, pourquoi l'on écoute jamais les conversations des gens autour de soi, pourquoi l'on ne s'en contente pas, pourquoi... Vous, par exemple (elle désigne quelque de la salle) Vous madame, qui n'avez auaucn expression sur le visage à contempler nos phrases et leurs assemblages. Est-ce que vous ressentez quelque chose, profondément ou est ce quez vous venez pour à la sortie "mh chéri, c'est vraiment instructif le thétre, on reviendra, tu viens coucher les enfants en attendant?"

Mireille (bord de scène, à Blanche) : Eh bien, ces explications vous conviennent ? Vous comprenez, maintenant, en quoi ce sont des habitués de ce bar, en quoi ils sont... (son regard se perd) enfermés?

Blanche : Mais, lui ? (elle montre Vianney du doigt)

Mireille : Lui. Ils vous suffit d'écouter ses pensées pour comprendre. Attendez.

(Elle s'approche de Vianney et Mélodie et on entends leurs voix comme lointaines, ils ne parlent pas en direct, il s'agit d'un enregistrement de leurs pensées)


Mélodie : Mh. Je ne sais pas exactement. Pourquoi ce mot plutôt qu'un autre. Oh, la joliesse des roseaux et des palmiers. C'est de cela qu'il faut que je parle. Que j'écrive. "Les palmiers étaient brillants, absents, les palmiers étaient l'instant." Il faut que tout le monde le sache. Que tout le monde l'observe. Et la douceur du doigt sur la peau. Peu m'importe le doigt, je veux seulement exprimer sa douceur, encore, en esprit, une nouvelle fois, la douceur du doigt...

Vianney : Elle est belle. C'est dingue ce qu'elle est belle. Ce qu'elle est entière, ce qu'elle est l'émotion qui nous rend si fervent. Je pourrais vivre à la regarder. J'en mourrais presque d'intensité. Elle est belle et bien plus que j'avais pu le croire. elle se comporte avec moi comme si elle n'avait pas conscience de son corps, il est donc évident que je ne l'intéresse pas. Ça ne la rend que plus belle, plus vraie dans chacun de ses gestes, chacune de ses postures. (la fin est brouillée, Mireille s'éloigne d'eux deux)

Mireille, à Blanche : Remontez, maintenant. C'est à vous de jouer.

Blanche : Vous êtes insupportable, je veux simplement filmer, je ne chercherai jamais à jouer. (elle remonte sur scène)

Mireille : Mais personne ne vous demande de chercher à le faire. On vous demande simplement d'exister. Cette conversation est lassante, Blanche.

Blanche : Oui.

Mireille : Oui.

(Un silence)

Blanche : On s'ennuie.

Mireille : Vous vous trompez.

Blanche : Oh ?

Mireille : Vous vous trompez en l'affirmant comme une fatalité. Il suffit de vouloir ne pas s'ennuyer pour ne pas s'ennuyer. Et puis dire que l'on s'ennuie, c'est affirmer que l'on mentait toutes les fois où l'on disait que le temps nous manquait.

Blanche :
Mais, tout de même...

Mireille :
Non, voyons. On pourrait apprendre à cuisiner des macarons, parler à n'importe qui dans la rue et lire en eux comme dans un livre au hasard sur la bibliothèque d'une médiathèque. On pourrait danser sur de la musique africaine ou creuser des livres pour en faire des boites. On pourrait recontacter un vieil ami de l'école primaire ou encore préparer une surprise à quelqu'un. On ne peut jamais s'ennuyer. tenez, nous n'avons qu'à faire la liste de toutes les minuscules choses agréables de la vie.

Blanche : Trouver un coin frais au fond de sa couette, ou le moment précis ou l'on croque dans un chewing gum.

Mireille : Vous y êtes.

Blanche : Oui.

Mireille : Oui.

(Un temps)

Blanche : Vous voyez, ça recommence, on ne sait plus quoi dire.

Mireille : Mais voyons, on laisse simplement un temps pour que le public se demande ce qu'il va se passer.

Blanche : Oh.

(Un temps)

Blanche : Ça marche certainement.

Mireille : Ce qui serait bien, maintenant, c'est qu'ils passent la main sous leur siège et qu'ils arrachent le morceau de papier qu'on a déposé avant que cette pièce ne commence.

(Mélodie relève la tête)

Mélodie : Ça serait drôlement bien. Bien comme un oiseau qui sifflerait un tube des années 80.

(Miel et Prune avancent vers l'avant scène où se trouvent Mireille et Blanche)


Miel et Prune : Aussi bien qu'un baiser volé dans un champ de mais brulé.

(Vianney se relève, prend Mélodie par la main et ils rejoignent tout le monde à l'avant-scène)


Tous : Aussi bien qu'une entracte durant laquelle on peut s'évader, et prendre un peu de recul pour mieux plonger dans l'océan de paroles après une respiration. (Ils fixent le public) Allez y, arrachez ce papier, qu'est ce que vous attendez ? (restent sur scène jusqu'à ce que les gens se saisissent des papiers, au besoin ajouter des phrase comme "sous vos sièges", "essayez, au moins")

(sur les papiers : un petit plaisir de la vie, différent chaque fois. 300 moments de plaisir, d'écrits permettant de la considérer comme intense à chaque instant. Noir sur scène, entracte.)

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23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 8


(L’ambiance change, des hommes embarquent les tables, le public peut voir le décor changer. Au final, on découvre une avenue dans laquelle une femme lit (il s’agit de Mélodie) assise sur un banc. Bruits de rue. On ne voit pas le visage de Mélodie. Devant elle, des gens plus originaux les uns que les autres se succèdent, on entends un espèce de brouhaha dont certaines phrases ressortent particulièrement)

Homme 1 : Ils disent qu'il n'y a pas de ciel-
Homme 2 : On dit dans la rue qu'en lui prenant sa vertu, tu as perdu la tienne, et réveillé la haine-
Femme 1 : La serveuse, quand elle sort son gros saucisson-
Homme 3 : C'est dingue, il y avait des pingouins à cheval-
Femme 2 :
Homme 4 :
Femme 3 :
Femme 4 :
Femme 5 :
Homme 5 :

(Le jour succède à la nuit, succède au jour, succède à la nuit, succède au jour, succède à…
Une femme finit par s’arrêter en face de Mélodie, toujours plongée dans sa lecture. Cette femme porte un énorme chapeau. Il s’agit de Mireille)

Mireille :
Qu’est ce que vous lisez ?

(Mélodie relève les yeux, semble être éblouie. Elle reste silencieuse. Mireille se penche pour voir la couverture de l’ouvrage tenue par Mélodie)

Mireille : Mmh. Boris Vian. Et pourquoi Boris Vian ?

(Mélodie esquisse un sourire)

Mireille : Ouais. Parce que ça vous plait, quoi. Ouais. (Un silence) Non mais ouais, j’aime bien. C’est pas mal original, c’est cool.

(Mélodie hoche la tête, replonge son regard dans le livre)

Mireille : Vous ne parlez pas ?

(Pas de réponse, Blanche relève quelque chose qu'elle tenait dans la main qui n'était pas pourvue de livre, il s'agit d'une grand bulle (comme dans les bandes dessinées, vide, blanche)

Mireille : Vous ne parlez pas ?

(Toujours pas de réponse, elle garde la bulle levée)

Mireille : Vous n'écoutez pas ?

(Mélodie relève les yeux, tourne la bulle, on peut y lire "j'écoute les cris et les écrits")

Mireille : Donc, vous ne parlez pas. Bon. Et… pourquoi vous ne parlez pas ?

(Mélodie désigne son livre comme s’il s’agissait de la réponse, elle retourne sa bulle face blanche)

Mireille (étonnée) : Parce que… parce que le livre ?

(Mélodie hoche la tête)

Mireille : Ah. Parce que les livres, peut-être. Et en quoi lire serait incompatible avec dire ?

(Mélodie ne réagit pas, baisse la bulle, se replonge dans son livre)

Mireille : Gente demoiselle, vous êtes fort jolie mais tout de même, je vous parle.

(Toujours pas de réaction)

Mireille (se penchant vers Mélodie) : Oh, mademoiselle, je suis là. Youhou.

(...)

Mireille : Meuf, t'es charmante t'inquiète, mais t'as l'air québlo là, j'te parle.

(...)

Mireille (prenant le livre des mains de Mélodie) : Mademoiselle.

(Mélodie relève enfin la tête)

Mireille : Mademoiselle, lire serait incompatible avec dire ?

(Mélodie soupire et se penche vers le sac qu’elle a avec elle. Elle en sort un roman dont elle tend la page cornée à Mireille. Celle-ci s’en empare. Au moment où elle ouvre le livre, les deux femmes se figent tandis qu’un grand drap blanc tombe/se déploie dans le fond de scène. On peut y lire ceci :)

"Elle ne vivait qu'à travers les romans. Jamais elle ne parlait, de peur de ne pas être à la hauteur. Toute sa vie s'était toujours résumée à ne faire que déchiffrer des messages codés. Comment la vraie vie pourrait-elle être plaisante quand on avait gouté à l'intensité des phrases entremêlées? Elle avait tout simplement décidé de renoncer, essayer de vivre n'avait pas de sens quand elle se sentait ivre à travers de simple livres. Elle ne parlait qu'à travers ses ressentis de romans, et à son sens c'était bien suffisant."

(Mireille lit le texte à voix haute, au moment où les spectateurs le déchiffrent, puis elle saisit le drap, le roule en boule et le jette sur un côté de la scène)

Mireille : Mais, avez-vous déjà essayé, jeune fille? Avez-vous déjà écouté les phrases qui passaient devant vous ? (elle se retourne, les mêmes hommes et femmes qu'au début de la scène sont en train de passer en répétant les même phrases absurdes) ... Derrière vous ? Avez-vous déjà prêté attention au caractère romanesque des gens ? Ri de leur absurdité ? Avez-vous déjà pleuré ? Déjà essayé de prononcer quelques mots, des mots comme une part du terme émotion, avez-vous déjà essayé d'écrire ? De rire, n'avez-vous jamais eu envie de dire ?

(Mélodie secoue la tête lentement)

Mireille : Personne ne nous regarde, allez-y. Allez-y doucement, exprimez vous comme si vous lisiez. Allez-y racontez-moi n'importe quoi. Personne ne le répétera. Et si ça ne marche pas, renfermez-vous dans le silence, mais. Faites comme si vous étiez... (elle cherche) Je ne sais pas, comme si vous étiez un poivron à qui l'on offrait la possibilité de s'exprimer dans un roman. Oui! Un poivron! Oui c'est ça! C'est ça, très exactement! Allez-y, mimez la parole du poivron. (elle s'enthousiasme, sourire et accélération de l'élocution) Je vous confie la responsabilité de ce poivron. Il ne pourrait pas se taire, vous vous en rendez bien compte sinon... (elle réfléchit un instant) Sinon... Sinon, le roman s'arrêt...

Mélodie : Non.

(Sourire étonné de Mireille)

Mélodie (avalant sa salive) : Non. Non le roman ne s'arrête jamais parce que... (elle regarde au loin) Parce que la pluie et les bleuets, parce que la satisfaction d'un regard (elle sourit, comme si elle découvrait son timbre de voix) Parce que... Parce que mon timbre se colle (elle saisit sa gorge, Mireille la prend doucement par la main et l'emmène vers les coulisses, vers le bar de l'éphémère) Parce qu'il colle parfaitement, mon timbre colle si bien à l'enveloppe de mon être, parce que, je pourrais aussi lire à autre voix, je pourrais... Oh, je pourrais écrire, je pourrais rire... (elle riote doucement, et son rire finit par se perdre en coulisse)

Mélodie (des coulisses) : Je pourrais rire mais maintenant comment fuir, puisque qu'à partir d'aujourd'hui...

(Miel habillé en enfant de 5 ans saute sur scène, une fausse épée à la main)

Miel
(voix d'enfant) : Ahah, tu l'as enfermée ici, gros chevalier que le nez est cassé! Mais je viens là pour la délivrer, même que, tiens, regarde (il fait un mouvement d'épée) j'ai ma grosse épée que mon père l'autre jour il a dit "C'est la grosse épée bien casse-couille" en la regardant! Jeanne où tu es? Je suis là pour te sauver!

(Un rire étouffé sort du drap blanc qui avait été jeté par Mireille)

Prune (voix d'enfant, bis) : Mais chuis là! T'es où Georges, je te vois pas.

Miel: Jeanne, tiens bon, chuis là aussi! On va se sortir de la crise financière! (Il soulève le drap avec son épée en plastique et Prune en sort, deux grosses couettes sur la tête, un doudou dans la main)

Prune: Coucou!

Miel (très solennel avec sa voix d'enfant): Salut, Jeanne.

Prune: Tu es le plus fort de tous les chevaliers da la ville Georges! Viens dans ma couette, j'ai envie de rigoler!

(Miel pousse Prune en riant, ils tombent à terre et au milieu de leur fou-rire d'enfant, il enfouit son nez dans les couettes de Prune)


Prune (le regardant) : Je crois (elle prend un air beaucoup trop grave pour une enfant), chuis pas sûre mais c'pas grave, je crois j'ai dit, peut-être t'es mon amoureux Miel.

Miel : Je crois, Prune, tu vas être ma femme toute ma vie, tu m'épouses d'accord.

Prune : Ca marche.

(Ils se font un bisous sur la bouche et quelqu'un leur jette une (des?) couette(s) dessus des coulisses, ils se blottissent dedans tandis que "Ti amo" démarre en fond sonore)

(Jeu de lumières roses un peu kitchs, agitation sous la (les?) couette(s?))

(Des pieds nus et la tête de Prune et de Miel décoiffés et nus, redevenus adultes, finissent par émerger tandis que des gens en noir leurs installent des oreillers sous la tête)

Miel : On avait quel âge ce jour là ? 5 ans ?

Prune (elle gémit un peu, se blottit encore plus contre lui) : Peut-être cinq, six ou même sept ans.

Miel : C'était les moments de ma vie que je préférais, on jouait, toi à m'aimer, moi à te délivrer, libérés on s'enlaçait.

Prune : Sans jamais se lasser.

Miel (songeur) : C'était fou.

Prune : Ça l'est toujours un peu...

(Prune se met à chantonner doucement, sa voix est du coton qui emplit la salle)
(Blanche et Mireille sortent des coulisses d'en face, Blanche a l'air de courir après Mireille)

Blanche : C'est fou!

Mireille : Ca l'est toujours avec eux!

Blanche : Non, mais je veux dire, vraiment. Mais, vraiment? Mélodie s'est vraiment mise à parler et dès ce jour a gouter à la plénitude de l'intensité?

Mireille : Dès ce jour, elle y a été enfermée.

Blanche : Enfermée?

Mireille
(semble troublée): Je... oui, mais ce n'est pas le moment de vous parler de ça, je... Miel et Prune rejouent la scène de leur arrivée dans le bar, pour vous, nous devrions nous taire et...

Blanche : Enfermée?

Mireille (un doigt devant la bouche): Taisez-vous et observez.

(Elle s'arrêtent toutes les deux devant le lit où sont Miel et Prune)


Miel : Ta peau. C'est incroyable, ta peau. Ton odeur. Jamais je... (il la sent avec passion) Jamais je ne pourrais en avoir marre, il nous faudrait un lieu... Un lieu ou s'enfermer... Un lieu où ne vivre que de sensations, on...

Prune : ...passerait notre temps à faire l'amour à l'air et aux autres, à caresser et à sentir, on serait deux, on serait mieux, dans un tout petit lieu lumineux, on s'éloignerait de tous ces gens...

Miel (se redressant d'un coup, toisant le public) : De tous ces gens incapables de perdre la tête pour l'odeur de vanille du voisin qui est à côté d'eux, infoutus de prendre doucement la main de leur voisin juste pour le plaisir du contact, inaptes à voyer en contemplant les clavicules d'une femme, ces gens... (il se relève d'un coup) J'ai envie de musique africaine. De djambé. De danser. Le seul art ou le corps guide l'esprit plus que l'esprit ne guide le corps. Encore! Qu'on m'apporte un djambé!

(Prune se lève, embrasse Miel, ils ne sont vêtus que de sous-vêtements et se figent dans une position similaire à celle de la scène 5-6)


Mireille : Je passais devant leur appartement ce jour-là, j'habitais le même immeuble en fait (se retourne vers Blanche) C'est dingue n'est ce pas ? Je passas devant leur appartement, et je les ai entendus parler, alors...

(Elle frappe à une porte invisible)

Miel (se dé-figeant) : Entrez ?

Mireille : Je voudrais vous emmener dans l'intensité.

Miel (surpris) : Vous...?

Mireille : Vous. (sourire) Me suivez.

Miel (regardant prune) : Mais on est pas habillés, on... (humant l'air, changeant soudain d'expression) Oh mademoiselle comme vous sentez bon... (Il caresse les cheveux de Mireille) Oh, comme vous... Oh... (il semble pris d'un vertige)

(Prune le prend par la main, et avance vers Mireille)


Prune : Alors allons-y. On vous suit.

(Ils miment la fermeture de la porte imaginaire de leur appartement, une fois celle ci dépassés ils vont s'asseoir tous les trois sur le devant de la scène, les hommes du début de la scène réinstallent les tables et les chaises)

Mireille : Vous m'avez suivie jusqu'à ce bar. Mélodie y écrivait déjà fiévreusement depuis un petit bout de temps. Une ou deux semaine, je ne sais plus. Le chemin nocturne pour parvenir à l'endroit a été incroyable, vous vous souvenez?

Miel : Vous dansiez toutes les deux, en riant très fort, tout sentait très bon, partout autour de nous. Je pouvais percevoir la vanille, la cannelle, le gingembre. Je sentais absoluement tout jusqu'à l'odeur de mes propres larmes.

Prune : Je les sentais aussi quand je m'arrêtais pour t'embrasser. La noix de coco et parfois la grenadine. Je voulais te lécher le visage et tu riais en me mordant le nez. Même notre sang aurait eu l'odeur des tartines grillées.

Miel : On s'embrassait tous les dix pas, on ne réfléchissait plus, on ressentait, simplement, de tous nos membres,

Mireille : Vous ne parliez plus,

Prune (frissonnant) : Je ne m'arrêtais plus de frissonner,

Miel : J'avais peur que tout s'arrête alors je vous disais de danser plus vite jusqu'au bar, que là bas l'on soit en sécurité, que la réalité ne menace pas de faner notre intensité.

Mireille : On courait.

Prune : On courait.

Miel : On courait.

Mireille : Puis je vous ai dit, ça y est. Nous sommes arrivés. (le décor derrière est monté, ils se lèvent tout sourire, et font comme s'ils poussait la porte du bar de l'éphémère)

23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 7

(La scène se rallume dans le bar du début, on voit Mireille qui se penche sur un lecteur CD et allume la musique, une musique très joyeuse, très souvenirs de joie et de fous rires entre amis. Prune s’installe sur le dos de Miel et entreprends de le masser en fermant les yeux. Mélodie écrit frénétiquement, quittant parfois sa chaise pour esquisser quelques pas de danse. Vianney a les yeux fixés sur elle et semble ressentir tout ce qu’elle écrit. Un ou deux personnes passent dans le bar, rient, parlent, chantent ou dansent et s’effacent aussitôt. Blanche observe le tout, à l’écart. Soudain, Mireille l’aperçoit et la tire par le bras, l’installe à la table entre celle de Mélodie et celle de Miel.)

Mireille : Il faut exister, voyons. Que faites-vous ?

Blanche :
Je vous l’ai déjà dit, je rempli mon vide. Après oui, pourquoi pas, j’existerai. Peut-être. Je ne vois pas du tout ce que je fais là.

Mireille : Vous aimez la tartiflette ?

Blanche : Le mot est beau.

Mireille : Moi j’adore la tartiflette, j’adore l’odeur de la tartiflette, le gout de la tartiflette, la texture de la tartiflette, l’apparence de la tartiflette. Tout, absolument tout m’attire dans une tartiflette.

(Le type à la guitare arrive une tartiflette à la main et la tends à Mireille. Blanche regarde la scène, interloquée.)

Mireille : Vous voyez, à force de donner de la valeur aux instants de grâce, ce sont eux qui viennent à vous et donnent de la valeur à votre existence.

Blanche (désignant la tartiflette) : Il s’agit davantage d’instant de graisse que de grâce. Je ne comprends pas exactement.

(Mireille sourit en regardant Blanche, sans rien dire. La musique précédente touche à sa fin, une musique plus douce, plus nostalgie-sous-la-couette-un-matin-d'hiver commence)

Mireille : Là, voyez-vous, quelqu’un devrait se mettre à parler d’un paysage de montagne, d’une chute le nez dans la neige ou d’un déluge, que sais-je ?

Blanche : … des souvenirs d’un camping avec des amis…

Mireille : … de la saveur des kiwis.

Blanche : Expliquez-moi où je suis.

(La musique s’arrête brusquement à la fin de sa phrase)

Mireille : Dans le bar. B – art. L’art de la bouche bée, le paroxysme de l’intensité de l’éphémère exprimé. Ici les instants de grâce s’incarnent puis fuient. Les clients touchent à l’intense et disparaissent. Seul le présent importe, le reste s’efface dans la rime de l’imparfait. On ne vient jamais là pour un simple café, une bière ou une menthe à l’eau. On y accède par une larme, on s’enivre d’un instant et on en sort quand se rompt le charme. Ce bar est intensité de l’existence, oh, regardez comme ils dansent.

(Miel et Prune esquissent quelques pas de danse, suivant la musique)

Blanche
(intriguée) : Mais, si seuls les instants de grâce sont… Si les gens n’existent ici qu’aux instants où ils touchent les paroxysmes… Si… je veux dire, eux ? (elle désigne les deux couples qui l’entourent)

Mireille : Oh, eux, c'est une belle histoire…

23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 6


Mireille
(arrivant et avec elle, un bruit du bar, comme un retour à la réalité) : Allez. Relevez-vous, je vous paye la tournée.

Blanche : La tournée…

Mireille : Très exactement. Une bonne bière quoi. Allez, allez, debout. On interrompt un peu la poésie et on vit. (Elle se penche et relève Blanche)

Blanche : Mais, eux ? (elle désigne les deux couples qui sont toujours figés dans leur positions de toute à l’heure)

Mireille : Oh, eux. Ils sont à des instants de grâce, voyons. S’ils bougeaient sans cesse vous vous lasseriez de leur singularité. Un Bailey, ça vous va ?

Blanche (hochant la tête) : Des instants de grâce ? Je ne vous suis pas.

Mireille (elle la tire par le bras l'incitant à la suivre) : Précisément si, vous me suivez en l’instant, mais passons. C’est la première fois que vous venez ici ? Sympa le T-shirt.

Blanche
(regardant son T-shirt) : Oui

Mireille : Bon.

(Un silence)

Mireille : Et vous faites quoi dans la vie ?

Blanche (désignant son t-shirt) : J'ai toujours détesté cette question. (Un silence) Je. Je cherche à me remplir.

Mireille : Bon.

(Un silence)

Mireille : Mais comment êtes vous entrée ?

Blanche : Je ne sais pas exactement, j’avais passé une grosse journée à faire des ébauches de scénarios ratés, à essayer de démêler des fils emmêlés, ça ne donnait rien et alors…

Mireille : Oh, c’est terrible. (Elle part en coulisse, Blanche la regarde, intriguée. Elle finit par revenir avec deux bières sur un coussin à pois.)

Blanche : Qu’est ce qui est terrible ?

Mireille : Les fils emmêlés. Les écouteurs par exemple. C’est insupportable. Comme devoir courir en sandales ou faire tomber tout son yaourt en voulant se débarrasser du liquide.

Blanche : Ou le caramel qui colle aux dents.

Mireille : Les tables bancales dans les bars. (La table sur laquelle elles s’installent remue nettement)

Blanche : Oui.

(Un silence)

Mireille : Et alors ?

Blanche : Alors, je me suis allongée sous mon manteau pour réfléchir. J’étais dans une phase sans air. Le genre de phase où l’émotion se bouscule mais les mots reculent, il faudrait de l’air pour que phase devienne phrase mais on étouffe de son propre vide. Vous voyez ?

Mireille : Absolument pas, mais continuez.

Blanche : Bon. Alors j’ai pensé qu’il me fallait des gens très vrais pour filmer l’intensité, je me suis dit qu’il serait merveilleux de découvrir un lieu où les états de grâce éphémère s’incarnent sans cesse. Regroupés, vous voyez, une sorte de monde parallèle ou s’incarnerait l’éternité. Et voilà, je suis là. Mais, (elle regarde des deux couples figés) quand bougeront-ils à nouveau ?

Mireille : Quand ils le souhaiteront. Ça ne devrait pas tarder. Mon nez me gratte un peu.

Blanche : Bon.

(Un silence)

Blanche : Mais enfin. Il est temps maintenant, expliquez moi clairement les choses, pourquoi je suis ici, où est-on, l’œuf a-t-il été conçu avant la poule, tout ça. Vous voyez bien que je ne comprends rien et qu’ils sont dans le même embarras que moi, non ?

Mireille : Ils ?

Blanche (désignant le public) : Eux.

Mireille : Ah. Oui. Eux, évidemment. (Elle sourit en levant les yeux au ciel) Peut-être. Mais eux peuvent demander à leur voisin s’il a compris. (Elle boit une gorgée de bière et sourit) Pas vous.

(Les deux femmes se tournent vers le public et le scrutent.)

Blanche : Vous voyez bien qu’ils ne le font pas.

Mireille : Ils sont gênés, c’est tout à fait normal. S’ils se tournent vers leur voisin en lui demandant s’il a compris, ils entrent dans la pièce. Or ils sont là pour observer, par pour jouer, vous comprenez ?

Blanche :
Ils sont comme moi, je comprends ça. (Elle se lève, caméra au bras, commence à descendre dans le public)

Mireille : Où allez-vous ?

Blanche : Les rejoindre, je n’ai absolument rien à faire là.

Mireille : Vous jouez.

Blanche : Non. Je voudrais filmer mais je ne joue pas. Ils sont des personnages pleins, je ne suis remplie que de mon vide.

Mireille : Tout le monde joue, voyons. Une autre bière ?

Blanche : Je ne comprends rien.

Mireille : Ça viendra, ne vous inquiétez pas. (Un type entre, une guitare dans les bras) Tiens, de l’animation.

(Il entreprend le jeu d’un morceau mélancolique et aussi touchant que le dernier épisode d’une série qu’on a suivit toute son adolescence. Blanche saisit sa caméra et s'apprête à le filmer)

L’homme : Non. (Il s’arrête de jouer)

Blanche : Pourquoi non ?

L’homme : Un instant de grâce, comprenez-vous. On le sent, on l’entend. On ne le vit qu’une seule fois. C’est l’effet mer, l’effet océan, le vague à l’âme, celle qui nous frôle et se retire. Celle qui parfois percute si fort que l’eau salée sort de nos yeux émerveillés. Mais on ne la retrouve jamais, elle défile, se déplace, elle se déroule et passe. Ce sera une autre vague, une autre eau, d’autres charmes ou d’autres mots. Le fleuve vous traverse et puis s’écoule. Tout coule un jour et tout se noie, tenez, écoutez moi…

(Elle le regarde, pensive, baissant sa caméra. Il reprend son jeu et une ambiance intime et feutrée se met en place. La lumière fond jusqu’au noir total)

(La lumière ne se rallume pas, on finit par entendre un cri dans la salle, d'abord incompréhensible, on finit par comprendre les mots "ENFERMÉE ICI")

Blanche : Qu’est-ce que c’est ?

Mireille : Je ne sais pas, quelqu’un du public, j’imagine.

Blanche (surprise) : Qui vit ?

Mireille : Qui crie, oui.

Blanche : Mais le public ne peut pas exister normalement.

Mélodie : Ah ?

Blanche : Je veux dire... Il n’y a que nous qui existons le temps de la représentation. Eux sont inertes devant nous, ça a toujours fonctionné de cette manière là.

Mireille : Tout de même, ils observent.

(Elle allume une bougie, puis une autre…)

Blanche : Je ne sais pas, j’ai toujours le sentiment que les gens autour de moi ne vivent pas vraiment, qu’ils sont là pour moi. Comme s’il était impossible qu’ils pensent autant, qu’ils songent si fort. Ils me semblent présents mais morts.

Mireille : Ça ferait un bruit incroyable, si toutes les consciences s’exprimaient.

Blanche : Même quelques unes.

Mireille : On pourrait essayer.

Blanche : Oui. Et d’un souffle, tout disparaitrait.

(… Jusqu’à ce que le mot éphémère apparaisse avec les points lumineux des bougies)

Mireille : Et d’un souffle tout disparaitrait…

(Elles soufflent toutes deux sur les bougies, tout s’éteint, le silence se fait.)

Mélodie (chuchotant, à peine perceptiblement) : Enfermée ici...

23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 5

(Depuis le départ il y avait sur scène un grand manteau noir, semblé avoir été posé là négligemment. Une femme au physique androgyne en sort. Son T-shirt représente un trou béant. Elle a une caméra à la main et les yeux écarquillés.)

Blanche : Voilà. Ca tourne. Je prends toutes les images. Les gens s’abiment ou se subliment. J’en fais un film. Tiens, paf. Un clignement d’œil de manière vive comme pour changer de diapositive. Ca tourne. Oh. (Elle aperçoit Miel & Prune toujours suspendus dans leur baiser) Ils sont beaux. Beaucoup trop beaux. L’émotion me possède alors je cède. Voyez cette caméra qui tombe, comme en tournant elle s’effondre (Elle les filme en se baissant, comme pour les avoir sous tous les angles de vue possibles) Mais ne vous inquiétez pas, à l’intérieur de moi, toujours, ça tourne… (Elle s’enroule autour d’eux, à terre. Elle ferme les yeux. Un silence.)


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23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 4

(La jeune femme l’observait. Elle se lève doucement, le relève. Il sort de sa poche un briquet et une cigarette qu’il allume. Prune le prend de derrière, par la taille.)

Prune : Fais-moi l’amour.

Miel (esquissant un geste comme pour se dérober de son étreinte) : Je manque d’air.

Prune : Et sans R, tu fais la moue (elle sourit) Mais soit aérien, Miel. Fais moins la moue, fais-moi l’amour. Soit aérien, ce n’est rien.

Miel (se retournant vers elle) : J’ai l’esprit embrasé (il allume son  briquet au même instant)

Prune : Moi l’envie de t’embrasser (elle s’accroche à son cou, cherchant ses lèvres)

Miel : Mmh… J’essayais de réfléchir la vie, attends…

Prune (mielleuse) : Et moi de refléter l'envie, comprends…

(Miel sourit vaguement, écrase sa cigarette et prend le visage de prune entre ses main. Ils frissonnent nettement.)

Miel :
Toujours, tu resplendis. Reste splendide, sucrée comme une guimauve, qu’importent les mots quand le mouvement attend. La douceur de ta peau comme… (Il interpelle Mireille qui passe par là) Une menthe à l’eau ! Fraicheur de vivre, ta fraicheur m’enivre, c’est tout mon corps qui sonne, frissonne…

Prune (lui soufflant sur le nez comme pour le faire taire) : Donne… (Elle l’embrasse et la scène se fige sur leur baiser. Les lumières sont extrêmement colorées)


23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 3


(La lumière est assez vive, Mélodie et Vianney sont assis, comme en pause à une table. A une autre table, un jeune homme boit lentement un cocktail alcoolisé, très coloré. Repose son verre et s’adresse à la femme qui lui fait face. Ils sont très beaux, très charismatiques.)

Miel : Ma tête tourne. Elle tourne tellement. (Il caresse le visage de la femme de son doigt) Tu es belle, la sensation de mes doigts sur ta peau me fait tourner la tête. La lumière de tes yeux m’éblouit, ton parfum m’enivre, le son de ta voix me rend fou. Flou. (Il se lève soudain, fixe quelqu’un dans le public) Il y a bien trop de lumière ici. Les degrés de la vision ont explosé. C’est comme un mélange nostalgique, tragique. Couleurs, saveurs, odeurs… Je ressens le trouble, le mélange se fait flou, c’est fou comme les sensations valsent, dansent, comme je me balance… Tout se bouscule, vos couleurs se cognent, des bleus apparaissent en signe d’allégresse, le rouge se fait dans le jour, le jaune éblouit ma nuit. Comme je vis ! Comme j’ai bu… (Il frotte sa tête) Comme j’ai vu, comme j’ai vécu… (Il titube un peu, comme saoul d’émotions, se sensations) Vertige du ressenti, tout tourne, tourne, tourne, tout… (Il tombe, brusquement.)


23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 2

(Un homme est assis devant un verre, à une table de café. Autour il y a deux autres tables vides.)

Vianney : Guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve…

(Mélodie arrive, légère, vêtue d’une robe dont la couleur évoque celle d’une guimauve)

Vianney : Guimauve, guimauve, guimauve (il ralentit) guimauve, guimauve, guimauve (puis accélère) guimauve, guimauve, guimauve (et ainsi de suite en baissant puis haussant la voix, il finit par hurler le mot guimauve)

(Mélodie se lève, un carnet en main, elle se déplace de gauche à droite, puis de droite à gauche. Elle semble perdue.)

Vianney : Mélodie ? Mélodie : Je ne sais plus dans quel sens aller, à trop répéter tu m’as égarée (elle parle en regardant au loin, les yeux perdus également)

Vianney : Je me disais… A force de crier la guimauve, elle finirait par apparaître. Et puis j’avais tellement faim… (Mélodie lui sourit) Tiens, quand je te regarde, j’ai l’envie de croquer tes pommettes, elles me semblent si sucrées (il se lève, marche vers elle) il suffirait qu’elles se transforment en deux grosses guimauves et alors… (ils se regardent un instant) Guimauve guimauve, guiiiimauve, guimauveguimauveguimauve (accélération, ralentissement, la voix se hausse, se tasse, se café, se tait)

Mélodie : Tais toi maintenant !

Vianney : Evidemment que je suis moi, jolie guimauve.

Mélodie (se prenant la tête entre les mains) : S’il te plait, tais toi, ne répète plus ce mot, il perd son sens, je me perd aussi, si l’on répète trop les choses elles perdent leurs saveurs, trop de chœurs dans le refrain nuisent au cœur, c’est certain. Ta guimauve n’est déjà plus sucrée, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter (elle répète ça, comme pour elle-même puis semble retrouver son calme mais est exténuée. Elle va lentement s’asseoir à la table d’où elle partait, Vianney la rejoint. Elle s’empare de son cahier et se met à le gratter avec son doigt, comme traçant des lettres invisibles)

Vianney : Qu’est ce que t’écris ?

Mélodie : Tes cris. De toute à l’heure, je cris en écrivant ce que tu criais. (Un temps, elle réfléchit) Je crois.

Vianney : Ecris les tiens, pour une fois. (Interpellant un serveur qui passe par là) Garçon, s’il vous plait ! (Le serveur se retourne, on voit clairement qu’il s’agit d’une fille. Elle tient un oreiller à tasse dans la main.)

Mireille : Il me plait modérément que vous m’appeliez garçon, mais enfin, de nos jours...

Vianney : Lâchez donc cet oreiller rayé et approchez votre oreille Mirelle. (La serveuse approche en lâchant l’oreiller et par le fait les verres, qui tombent à terre. Vianney lui chuchote quelque chose à l’oreille, et elle repart vers les coulisses l’air entendu.)

(Un silence s’installe. Vianney tousse, comme gêné.)

Vianney : J’ai l’impression qu’il manque une réplique, là.

Mélodie (sans relever les yeux de son carnet) : Mmh, j’étais justement en train d’écrire : Un joli silence s’installe entre nous : qu’il est paisible de constater que l’osmose est entre nous telle qu’il n’y a nul besoin de s’exprimer.

Vianney : Ah. Merde.

Mélodie : On peut toujours reprendre, tu sais. Ce n’est pas comme si un public nous observait. Ils fixent tous deux le public.

Vianney : C’est vrai. (Un silence) Qu’est ce que t’écris ?

Mélodie : Tes cris. De toute à l’heure, je cris en écrivant ce que tu criais. (Un temps, elle réfléchit) Je crois.

Vianney : Ecris les tiens, pour une fois. (Mireille revient, un bouquet de pensées en main) Merci. (les tendant à Mélodie) Tiens, je t’offre des pensées. Ce sont les tiennes, écris les maintenant. Tu peux. (Mélodie sourit, regarde Vianney avec profondeur.)

Mélodie : Je préfère décrire ce que sont les autres, c’est ainsi. Vous vivez et moi je dis. Vous êtes le fond, je suis la forme. Vous l’éphémère, moi l’éternité. Vous reflétez, je retranscris, vous êtes les moments, je suis les mots. (Il la regarde, envouté.)

Vianney : Tu es la mélodie quand nous ne sommes que le ressenti. (Elle se lève, avance vers l’avant scène et fixe on ne sait quel horizon.)

Mélodie : De l’extérieur que sait-on de moi ? Vous qui me contemplez que pensez-vous de moi ? Je suis un prénom, et encore ce n’est que plume. Un peu d’air prêt à s’enfuir. Un air de musique, une Mélodie.  Je ne suis faite que de mots, ne l’oubliez pas, faite de seules paroles, de sonorités entremêlées pour mieux vous toucher mélodieusement. Si l’on enlève ce que je dis à mon nom, qu’on ôte le « elle dit » à Mélodie, que reste t-il ? Un M, un O. Il reste toujours les mots… (Elle s’asseoit en bord de scène, se tourne vers Vianney, fixé sur elle) Définitivement je ne suis que paroles… (Sa voix se fait faible, elle se tourne vers le public, les yeux perdus.) Définitivement… Seules paroles… Et les paroles toujours s’envolent… (Elle saute de la scène, la lumière tombe.)

23 novembre 2008

Acte 1 – Scène 1


(Le rideau s’ouvre avec une lumière faible sur une jeune fille qui, habillée d’une robe légère, marche sur la pointe des pieds en tournant sur elle-même.)

Mélodie : Mais je tourne en rond, vous tournez en rond, le temps tourne en ligne courbe et même cette représentation est fourbe. Je suis enfermée ici, dans mon cerclé fermée, je me promène étouffée. Je suis enfermée ici et dans deux scènes vous aurez oublié. Oublié que je suis enfermée. Je tourne en rond, vous tournez en rond, le tourne en ligne courbe, et même cette représentation est fourbe... Tout est cycle et se répète, tout est cycle et je répète, tout est cycle et mes mots tournent, s’expriment puis s’évanouissent, prennent forme puis se lissent. Prise au piège, je vacille et je vrille, une étincelle et je scintille, brille, tourne, tourne, tourne, tourne, tourne… (Elle continue de plus en plus faiblement jusqu’à ce que la lumière fonde, il ne reste au final plus qu’une faible lumière émanant de Mélodie, comme un briquet, quelque chose qui brille)

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