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23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 7

(La scène se rallume dans le bar du début, on voit Mireille qui se penche sur un lecteur CD et allume la musique, une musique très joyeuse, très souvenirs de joie et de fous rires entre amis. Prune s’installe sur le dos de Miel et entreprends de le masser en fermant les yeux. Mélodie écrit frénétiquement, quittant parfois sa chaise pour esquisser quelques pas de danse. Vianney a les yeux fixés sur elle et semble ressentir tout ce qu’elle écrit. Un ou deux personnes passent dans le bar, rient, parlent, chantent ou dansent et s’effacent aussitôt. Blanche observe le tout, à l’écart. Soudain, Mireille l’aperçoit et la tire par le bras, l’installe à la table entre celle de Mélodie et celle de Miel.)

Mireille : Il faut exister, voyons. Que faites-vous ?

Blanche :
Je vous l’ai déjà dit, je rempli mon vide. Après oui, pourquoi pas, j’existerai. Peut-être. Je ne vois pas du tout ce que je fais là.

Mireille : Vous aimez la tartiflette ?

Blanche : Le mot est beau.

Mireille : Moi j’adore la tartiflette, j’adore l’odeur de la tartiflette, le gout de la tartiflette, la texture de la tartiflette, l’apparence de la tartiflette. Tout, absolument tout m’attire dans une tartiflette.

(Le type à la guitare arrive une tartiflette à la main et la tends à Mireille. Blanche regarde la scène, interloquée.)

Mireille : Vous voyez, à force de donner de la valeur aux instants de grâce, ce sont eux qui viennent à vous et donnent de la valeur à votre existence.

Blanche (désignant la tartiflette) : Il s’agit davantage d’instant de graisse que de grâce. Je ne comprends pas exactement.

(Mireille sourit en regardant Blanche, sans rien dire. La musique précédente touche à sa fin, une musique plus douce, plus nostalgie-sous-la-couette-un-matin-d'hiver commence)

Mireille : Là, voyez-vous, quelqu’un devrait se mettre à parler d’un paysage de montagne, d’une chute le nez dans la neige ou d’un déluge, que sais-je ?

Blanche : … des souvenirs d’un camping avec des amis…

Mireille : … de la saveur des kiwis.

Blanche : Expliquez-moi où je suis.

(La musique s’arrête brusquement à la fin de sa phrase)

Mireille : Dans le bar. B – art. L’art de la bouche bée, le paroxysme de l’intensité de l’éphémère exprimé. Ici les instants de grâce s’incarnent puis fuient. Les clients touchent à l’intense et disparaissent. Seul le présent importe, le reste s’efface dans la rime de l’imparfait. On ne vient jamais là pour un simple café, une bière ou une menthe à l’eau. On y accède par une larme, on s’enivre d’un instant et on en sort quand se rompt le charme. Ce bar est intensité de l’existence, oh, regardez comme ils dansent.

(Miel et Prune esquissent quelques pas de danse, suivant la musique)

Blanche
(intriguée) : Mais, si seuls les instants de grâce sont… Si les gens n’existent ici qu’aux instants où ils touchent les paroxysmes… Si… je veux dire, eux ? (elle désigne les deux couples qui l’entourent)

Mireille : Oh, eux, c'est une belle histoire…

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