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23 novembre 2008

Acte 1 - Scène 2

(Un homme est assis devant un verre, à une table de café. Autour il y a deux autres tables vides.)

Vianney : Guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve, guimauve…

(Mélodie arrive, légère, vêtue d’une robe dont la couleur évoque celle d’une guimauve)

Vianney : Guimauve, guimauve, guimauve (il ralentit) guimauve, guimauve, guimauve (puis accélère) guimauve, guimauve, guimauve (et ainsi de suite en baissant puis haussant la voix, il finit par hurler le mot guimauve)

(Mélodie se lève, un carnet en main, elle se déplace de gauche à droite, puis de droite à gauche. Elle semble perdue.)

Vianney : Mélodie ? Mélodie : Je ne sais plus dans quel sens aller, à trop répéter tu m’as égarée (elle parle en regardant au loin, les yeux perdus également)

Vianney : Je me disais… A force de crier la guimauve, elle finirait par apparaître. Et puis j’avais tellement faim… (Mélodie lui sourit) Tiens, quand je te regarde, j’ai l’envie de croquer tes pommettes, elles me semblent si sucrées (il se lève, marche vers elle) il suffirait qu’elles se transforment en deux grosses guimauves et alors… (ils se regardent un instant) Guimauve guimauve, guiiiimauve, guimauveguimauveguimauve (accélération, ralentissement, la voix se hausse, se tasse, se café, se tait)

Mélodie : Tais toi maintenant !

Vianney : Evidemment que je suis moi, jolie guimauve.

Mélodie (se prenant la tête entre les mains) : S’il te plait, tais toi, ne répète plus ce mot, il perd son sens, je me perd aussi, si l’on répète trop les choses elles perdent leurs saveurs, trop de chœurs dans le refrain nuisent au cœur, c’est certain. Ta guimauve n’est déjà plus sucrée, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter, il ne faut pas répéter (elle répète ça, comme pour elle-même puis semble retrouver son calme mais est exténuée. Elle va lentement s’asseoir à la table d’où elle partait, Vianney la rejoint. Elle s’empare de son cahier et se met à le gratter avec son doigt, comme traçant des lettres invisibles)

Vianney : Qu’est ce que t’écris ?

Mélodie : Tes cris. De toute à l’heure, je cris en écrivant ce que tu criais. (Un temps, elle réfléchit) Je crois.

Vianney : Ecris les tiens, pour une fois. (Interpellant un serveur qui passe par là) Garçon, s’il vous plait ! (Le serveur se retourne, on voit clairement qu’il s’agit d’une fille. Elle tient un oreiller à tasse dans la main.)

Mireille : Il me plait modérément que vous m’appeliez garçon, mais enfin, de nos jours...

Vianney : Lâchez donc cet oreiller rayé et approchez votre oreille Mirelle. (La serveuse approche en lâchant l’oreiller et par le fait les verres, qui tombent à terre. Vianney lui chuchote quelque chose à l’oreille, et elle repart vers les coulisses l’air entendu.)

(Un silence s’installe. Vianney tousse, comme gêné.)

Vianney : J’ai l’impression qu’il manque une réplique, là.

Mélodie (sans relever les yeux de son carnet) : Mmh, j’étais justement en train d’écrire : Un joli silence s’installe entre nous : qu’il est paisible de constater que l’osmose est entre nous telle qu’il n’y a nul besoin de s’exprimer.

Vianney : Ah. Merde.

Mélodie : On peut toujours reprendre, tu sais. Ce n’est pas comme si un public nous observait. Ils fixent tous deux le public.

Vianney : C’est vrai. (Un silence) Qu’est ce que t’écris ?

Mélodie : Tes cris. De toute à l’heure, je cris en écrivant ce que tu criais. (Un temps, elle réfléchit) Je crois.

Vianney : Ecris les tiens, pour une fois. (Mireille revient, un bouquet de pensées en main) Merci. (les tendant à Mélodie) Tiens, je t’offre des pensées. Ce sont les tiennes, écris les maintenant. Tu peux. (Mélodie sourit, regarde Vianney avec profondeur.)

Mélodie : Je préfère décrire ce que sont les autres, c’est ainsi. Vous vivez et moi je dis. Vous êtes le fond, je suis la forme. Vous l’éphémère, moi l’éternité. Vous reflétez, je retranscris, vous êtes les moments, je suis les mots. (Il la regarde, envouté.)

Vianney : Tu es la mélodie quand nous ne sommes que le ressenti. (Elle se lève, avance vers l’avant scène et fixe on ne sait quel horizon.)

Mélodie : De l’extérieur que sait-on de moi ? Vous qui me contemplez que pensez-vous de moi ? Je suis un prénom, et encore ce n’est que plume. Un peu d’air prêt à s’enfuir. Un air de musique, une Mélodie.  Je ne suis faite que de mots, ne l’oubliez pas, faite de seules paroles, de sonorités entremêlées pour mieux vous toucher mélodieusement. Si l’on enlève ce que je dis à mon nom, qu’on ôte le « elle dit » à Mélodie, que reste t-il ? Un M, un O. Il reste toujours les mots… (Elle s’asseoit en bord de scène, se tourne vers Vianney, fixé sur elle) Définitivement je ne suis que paroles… (Sa voix se fait faible, elle se tourne vers le public, les yeux perdus.) Définitivement… Seules paroles… Et les paroles toujours s’envolent… (Elle saute de la scène, la lumière tombe.)

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